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Baguette magique
M le magazine du Monde
| 30.11.2012 à 12h09 • Mis à jour le 30.11.2012 à 19h20
Par Marie-Aude Roux (Focus)


Un Christ de Michel-Ange passé directement des Evangiles à Facebook, après avoir vendu son âme au diable Mackintosh : voilà à quoi ressemble Federico Maria Sardelli. Sa religion ? La musique de Vivaldi, dont il est, à 49 ans, l'un des éminents spécialistes. Sa récréation ? La satire au vitriol, qu'il pratique par le dessin, l'écriture et la bande dessinée.

Le compositeur, musicologue, flûtiste et chef d'orchestre italien vient de sortir chez Naive un opéra inconnu de Vivaldi : l'Orlando furioso de 1714. La première mondiale au Festival de Beaune, cet été, a été suivie d'un enregistrement à Florence avec ses musiciens de Modo Antiquo, l'ensemble baroque fondé en 1987 et avec lequel il a glané deux nominations aux Grammy Awards. A leur actif, la "résurrection" de Motezuma, Arsilda, regina di Ponto, Tito Manlio, Atenaide, ainsi que de nombreuses pièces inédites.

Lorsqu'il peint, Federico Maria Sardelli se partage entre la copie de tableaux anciens, sa propre inspiration (parfois abstraite) et la caricature. A l'huile, il portraite Voltaire, Diderot ou Lully, et pourfend d'un crayon spadassin l'embonpoint moral d'une Italie inféodée au sexe et à la religion dans le mensuel satirique Il Vernacoliere. "Je ne suis ni schizophrène ni bipolaire, s'amuse-t-il, il s'agit tout simplement d'une question d'équilibre."

DEUX ANS DE TRAVAIL, LE NEZ DANS LES MANUSCRITS

Son appartement florentin, via dei Serragli, est une enfilade de pièces quasi muséales. Les toiles personnelles restent cantonnées à la chambre. Au fond du couloir, sur un chevalet, trône le pastiche inachevé d'un portrait d'époque décalé, une perruque en suspension au-dessus de la tête. On reconnaît le cinéaste Paolo Virzi, natif de Livourne comme Federico Maria Sardelli, qui a adapté au théâtre le livre satirique du chef d'orchestre I Miracoli di Padrepio ("Les miracles de Padre Pio ») - Mario Cardinali Editore -, sorti en 2002, l'année de la canonisation du moine thaumaturge.

Musique baroque, philosophie antique, parodie contemporaine : Federico Maria Sardelli cultive l'esprit frondeur des autodidactes libertaires mais aussi leur implacable rigueur acquise au feu de la passion. Ce solitaire déclaré fustige nombre de ses collègues baroqueux, infidèles, selon lui, à la lettre vivaldienne. "J'ignore s'il y a une vérité en matière d'interprétation, affirme-t-il, mais je sais ce qu'il ne faut pas faire. Vivaldi était très méticuleux. Quand il n'a pas écrit quelque chose, cela ne signifie pas qu'il a oublié de le faire."

Le musicien sait de quoi il parle, lui qui vient de rendre à Vivaldi le premier de ses Orlando furioso longtemps attribué à Alberto Ristori - le second, très connu, date de 1727. Deux ans de travail, le nez dans les manuscrits, résolvant par des "hypothèses de reconstitution" les parties manquantes, déchiffrant l'écriture au-delà des notes. Pas peu fier d'avoir ajouté au Vivaldi Werkverzeichnis, le catalogue du "Prêtre roux" dont il est responsable scientifique, un numéro de plus : le RV 819.

APRÈS L'HÉROÏSME BEETHOVÉNIEN, L'ÉROTISME VIVALDIEN

Car Federico Maria Sardelli connaît la musique du Vénitien mieux que les rats de la bibliothèque de Turin. Il la pastiche d'ailleurs à la perfection. Une faculté d'imitation qu'il a depuis l'enfance. "J'écrivais des musiques que l'apprenti flûtiste que j'étais ne parvenait pas à jouer mais qui agissaient comme une émulation."

A l'heure des logiciels de composition, l'homme écrit à la plume d'oie, après avoir tracé ses portées à l'encre sur un beau papier de facture ancienne. Lui et son collègue anglais, le musicologue Michael Talbot, aiment communiquer par fugues - dans le style de Bach, Vivaldi ou Haendel. Nulle satire en ce qui concerne la musique : à peine, parfois, l'esquisse d'un baroque dévoyé, comme dans Im Winter (du Vivaldi passé à la moulinette répétitive du minimaliste américain Philip Glass, en 2011).

Comme son père, le peintre Marcello Sardelli, fils de cordonnier, qui stupéfia son entourage en reproduisant au crayon le portrait de son grand-père d'après photo, Federico Maria Sardelli appartient à la catégorie des artistes révélés. "J'ai été élevé dans le culte des symphonies de Beethoven, dit-il. Puis un jour, chez un des amis de mon père, j'ai entendu Vivaldi, "L'Eté" des Quatre Saisons, 3e mouvement, une musique plus belle que tout." Après l'héroïsme beethovénien, l'érotisme vivaldien. Et une identification poussée jusqu'aux stigmates ?

Prolifique et pointilleux comme Vivaldi, Federico Maria Sardelli est lui aussi affligé d'une légère claudication. La santé fragile du "Prêtre roux" exigeait qu'il soit soutenu quand il marchait. Pour son interprète contemporain, c'est une mauvaise chute qui est à l'origine de complications : lors d'une soirée entre amis, une poursuite dans un jardin, pour échapper aux extravagances de la jeune fille ronde qui n'était pas son genre, s'est soldée par une fracture du fémur.

Depuis, les contrats du maestro stipulent qu'il lui faut un vélo pour se déplacer. Lorsqu'il roule dans Florence et traverse l'Arno, les soirs brumeux d'automne, non loin du ponte Vecchio, peut-être se croit-il un instant à Venise.

Vivaldi, Orlando 1714, d'Antonio Vivaldi, dirigé par Federico Maria Sardelli avec l'orchestre Modo Antiquo, 2 CD, Naive, 22 €.

Marie-Aude Roux (Focus)

 

pubbl.: 01 - 12 - 2012
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